dimanche 28 mars 2010

De Roland Maisonneuve...


UN RECENTRAGE DU REGARD


Notre regard est appelé à transpercer le monde des apparences et à découvrir les points divers et la multitude foisonnante de points que sont chaque chose, chaque être, toute réalité de l'univers, tout ce qui est.
Blake montre du doigt la cible à poursuivre :
"voir un monde dans un grain de blé
et un ciel dans une fleur sauvage.
Tenir l'infinité dans la paume de la main
et l'Eternité en une heure unique"
(Songe et innocence).
Les meshalim hébraïques tiennent le même langage :
"Chaque caillou révèle un univers".
"Chaque galet est un océan".
Les mystiques prolongent jusqu'en Dieu les paysages d'infini que sont ces réalités.
Les Upanishads dévoilent :
"Le Dieu unique, caché en toutes choses, lui qui remplit tout, lui qui est l'âme de toutes choses demeure en toutes choses. Le monde entier est illuminé de sa lumière" (Svetasvatara Upanishad).
Maître Eckhart, bien qui distinguant Créateur et créature, les unit par un regard remontant jusqu'à la Source divine d'où tout jaillit :
"La chose la plus vive que l'on connaisse en Dieu - par exemple si l'on pouvait comprendre comment une fleur à son être en Dieu - est chose plus haute que le monde entier".
"Chaque buisson, chaque chêne sais que Je suis", fait dire à Dieu le poète métaphysique Vaughan. Et ce n'est pas panthéisme, mais perception de l'universelle immanence divine qui inspire la mystique allemande Hildegarde von Bingen lorsqu'elle transmet la parole divine :
"Je suis l'essence de vie et de feu de la substance divine qui resplendit dans la beauté des champs.
Je brille dans l'eau.
Je brûle dans le soleil, et les étoiles"
(Liber Divinorum Operum, I).

C'est une quête de l'oeil intérieur qui découvre ces points d'infini. Ainsi voit-on, par cette soif de Dieu, le dialogue impossible entre un homme et un oiseau, devenir chez le Catalan Raymond Lulle, une plongée dans la texture du créé, ruisselante de tout l'incréé :
"L'oiseau chantait au verger de l'Ami
L'ami bint et dit à l'oiseau :
Si nous ne nous comprenons pas par le langage,
comprenons-nous par amour,
parce que dans ton chant
Mon Aimé est présent à mes yeux"
(Le Livre de l'Ami et de l'Aimé, 27).


in LA MYSTIQUE DE L'INVISIBLE
par Roland Maisonneuve,
Questions de... 1992.

jeudi 25 mars 2010

Du redoutable et ahurissant poète et philosophe roumain Jean Parvulesco...


De Jean Parvulesco, égal à lui-même, tout à la fois prophétique, répétitif, imprévisible, sidérant, gargantuesque, usant et abusant généreusement d'admirables formulations dès ses premiers livres, dans un ouvrage (de 358 pages) venant de paraître aux éditions Guy Trédaniel :

...Toujours l'invisible - l'"absolu", l'"indéterminé" - se choisit-il providentiellement des figures dissimulantes de ce qu'il entend nous dévoiler, nous transmettre, et ses choix concernent-ils, pour ainsi dire par la force même des choses, des instances de la réalité appartenant aux existences déjà prédestinées à cette fin, qui, sans le savoir, et parfois même à leur corps défendant, fournissent au langage de l'indicible la substance même de ses développements, de ses propres assertions prophétiques.

in UN RETOUR EN COLCHIDE de Jean Parvulesco,
Guy Trédaniel Editeur,
19 rue Saint Séverin, Paris 5ème, livre paru en 2010.


mardi 23 mars 2010

De l'irremplaçable Nicolas Berdiaeff...


Dès ses premiers ouvrages Nicolas Berdiaeff écrit à partir des sommets de l'esprit... comme en témoigne LE SENS DE LA CREATION, livre de plusieurs centaines de pages, écrit entre 1911 et 1914 et dont Nicolas Berdiaeff dit qu'il fut écrit "d'un seul élan, presque en état d'extase".

"L'art est par excellence la sphère de la création. Et cet élément créateur au sens artistique du terme peut se faire sentir dans toutes les sphères de l'activité de l'esprit. Que ce soit dans le domaine de la science, de la philosophie, de la morale ou de la politique, tout créateur est par quelque côté un artiste. Le Créateur du monde est désigné sous ce terme. L'attente d'une époque créatrice est en vérité celle d'une époque artistique, celle où l'art domine la vie. L'art représente une victoire constante sur la médiocrité de ce "monde" auquel jamais il ne se soumet complètement. Il y a une libération dans tout acte créateur. L'essentiel de cet acte est de surmonter la nécessité. Par lui, l'homme sort de lui-même, s'évade en dehors de la médiocrité ambiante de son existence. L'acte de création artistique est partiellement une transfiguration de la vie. Sa relation avec le monde suppose déjà la présence d'un monde nouveau. Et la conception même de la beauté implique déjà une rupture avec la difformité du monde actuel - un saut dans un monde inconnu. L'oeuvre artistique est la création d'un univers, d'un cosmos, la révélation de la liberté. On dirait que la lèpre a disparu qui couvrait le visage de l'univers. Ainsi, la création artistique par sa nature est ontologique... "

in LE SENS DE LA CREATION de Nicolas BERDIAEFF,
paru en 1955 aux éditions Desclée de Brouwer
et imprimé à Bruges sur les Presses Saint-Augustin.

samedi 20 mars 2010

De Luc-Olivier d'Algange...


"L'alchimie à rebours est de changer l'amour en ressentiment"

vendredi 19 mars 2010

De Grégoire de Nysse...


Dans le remarquable livre de Jean Daniélou, S.J. : PLATONISME ET THEOLOGIE MYSTIQUE, paru en 1944 chez l'excellent éditeur Aubier, ces deux phrases (en rouge dans le texte), riches de sens, de Grégoire de Nysse :


L'âme n'est pas divine par nature ; ou plutôt elle a ce reflet de Dieu qui s'appelle liberté, mais elle n'a pas en elle la parure divine des vertus : cette grâce elle doit la recevoir ; pour devenir pure, elle doit se tourner vers la source de la pureté, transformée alors par la grâce, devenue déiforme, elle n'aura qu'à se regarder pour voir Dieu briller en elle comme dans un miroir...

..."Si l'homme s'oriente intérieurement vers le bien en tournant pour ainsi dire le dos au vice, son âme placée face aux biens futurs est comme un miroir où les images et les formes de la vertu, présentées par Dieu s'impriment dans la pureté de l'âme". Et inversement le péché consiste pour l'âme à "tourner le dos" à Dieu : "L'esprit ayant, comme une sorte de miroir, tourné le dos à l'exemplaire des biens repousse les impressions de l'illumination du bien et reproduit en lui la difformité de la matière". Ce qui, notons en passant cette touche cosmique, entraîne à son tour le désordre de la nature qui est "miroir de miroir".


mercredi 10 mars 2010

Par André Murcie sur un livre de Luc-Olivier d'Algange...



Début d'un remarquable article d'André Murcie paru dans LES FLECHES D'OR (N°9) à propos de FIN MARS, LES HIRONDELLES, livre de Luc-Olivier d'Algange récemment paru aux Editions Arma Artis :

Pas une nuée, à peine douze, que le maître oiseleur Luc-Olivier d'Algange a laissé sortir de sa cage à merveilles. Onze oiseaux de bonne augure et d'annonce nouvelle partis de notre dextre, et l'ultime thuléenne, celle qui clôt le vol vers le soleil de l'être et revient se percher sur le poing qui l'a libérée, en guise de reconnaissance. Il ne faut point l'oublier, dans l'empyrée platonicienne toute connaissance n'est qu'une réminiscence d'un savoir perdu mais toujours à portée de main. Il suffit d'offrir sa paume à la lumière et de lire les immémoriales lignes de notre destin inscrites dans le ciel ouvert de notre chair...

in LES FLECHES D'OR,
courrier
: L'annonce Littéraire, B.P. 65, 77484 Provins