vendredi 10 septembre 2010

Sur les Roms... cette lettre de Gustave Flaubert, citée sur le blog Vendémiaire (le 10/9/2010)





Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s'étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j'en vois et toujours avec un nouveau plaisir. L'admirable, c'est qu'ils excitaient la haine des bourgeois, bien qu'inoffensifs comme des moutons.
Je me suis fait très mal voir de la foule en leur donnant quelques sols, et j'ai entendu de jolis mots à la prud'homme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens de l'ordre. C'est la haine que l'on porte au bédouin, à l'hérétique, au philosophe, au solitaire, au poète, et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m'exaspère...

Lettre, du 12 juin 1867, de Gustave Flaubert à George Sand.

Voir l'édition de la "Bibliothèque de la Pléiade", chez Gallimard.

mercredi 1 septembre 2010

De l'excellent penseur André Suarès...


Tout art est une incantation : l'oeuvre d'art est un philtre de volupté. Les doctes qui séparent tout par système, méprisent la volupté et le sentiment. Les doctes sont grossiers. Mais dans un homme policé, quel sentiment ne participe pas de l'esprit, et même quelle volupté ? Quel vrai plaisir n'est pas spirituel en quelques manière ?


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Partout où l'on veut prouver qu'on a raison et faire système, l'art et la poésie le cèdent à la philosophie, à la critique, à la religion, enfin à une politique. L'art s'abaisse d'autant, et la poésie s'en va. C'est ici que le sentiment assure le salut de l'oeuvre : en portant la raison, il la pénètre d'une vie personnelle.

in "André Suarès" dans la collection Bouquins
chez Robert Laffont, Paris 2002.