jeudi 6 mai 2010

De Jean-Marie Le Clézio sur Malcolm de Chazal...


Entre 1948 et 1965, Malcolm de Chazal aura publié une vingtaine d'ouvrages, dont certains firent du bruit, et qui sont tous l'expression d'une pensée originale, parfois jusqu'à l'ésotérisme, et d'un tempérament inquiet et anticonformiste. Pourtant, après le choc initial de Sens Plastique, paru à la NRF accompagné d'une préface de Jean Paulhan - "un art qui mérite, je pense, le nom de génie. Ce nom, et aucun autre" -, la critique, conformément à sa réputation de frivolité et de frilosité, cessa de s'intéresser au poète des antipodes et lui opposa un étrange silence. Duhamel, Paulhan, sans cesse sollicités par celui qu'ils avaient porté au pinacle, manifestèrent à son égard une indifférence gênée, puis de l'hostilité.

Depuis son île qu'il refusait obstinément de quitter, Malcolm de Chazal interpellait le monde, multipliait les lettres, les appels au secours. L'éloignement n'était pas la raison de sa solitude. Il souffrait d'avoir cru à la communauté des esprits, d'avoir vu la porte s'entrouvrir sur ce paradis de l'intellect que, comme jadis Swedenborg, il attendait.

Jean-Marie Le Clézio

in LE MONDE du vendredi 10 novembre 2006

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